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A Crime of Poisson (version française) by Nigel Roth



Contrairement à d'autres pays, le Royaume-Uni ne connaît pas la prescription pour les crimes.


C’est la raison pour laquelle je ne vais pas révéler le vrai nom de mon père ni l'endroit où il se trouve à cet instant.


Ce que je peux dire avec certitude, c'est que les poissons impliqués dans ce casse particulier sont décédés depuis lors, à cause d'une chasse d'eau, et ne peuvent donc plus porter plainte.


Mais pour nous, l'histoire commence par un magazine laissé sur le comptoir du magasin de spiritueux de mon père par un garde-pêche distrait.


La raison pour laquelle le pisciculteur a oublié son précieux périodique, et ce qui a excité mon père à propos de cette édition particulière de Tropical Fish Hobbyist, qu'il n'a manifestement pas rendu à son propriétaire d'origine, restera un mystère pour nous tous mais, en quelques jours, il planifia l'arrivée de piscidés à la pelle.


Ma mère, dont la seule expérience du poisson se résumait à un journal plié et à des frites au vinaigre, se tenait généralement à l'écart du processus. Elle trouva toutefois le temps de se moquer de l'enthousiasme de mon père, de la même manière qu'elle s'était moquée de sa phase photographie ou de sa période fumeur de pipe.


Pour ma part, j'avais vécu le va-et-vient de plusieurs de ces passions subites, et c'est donc avec une certaine réticence que je l’aidai à préparer une table dans le coin du petit salon, avec une couverture en velours noir qui devait cacher le mécanisme de l'aquarium en devenir, dans la perspective de la naissance imminente du passe-temps numéro neuf.

Un passe-temps pour lequel nous devons d'abord remercier la "Mère de l'aquariophilie" Jeanne Villepreux-Power, qui, en 1832, a créé le tout premier aquarium, dans le but d'étudier les organismes aquatiques et la vie marine.


Une dizaine d'années plus tard, la biologiste marine britannique Anna Constantia Thynne, ou Lady John Thynne pour son personnel de maison, a créé le premier aquarium stable, dans lequel elle a conservé des coraux et des éponges pendant plus de trois ans.


Enfin, le chimiste Robert Warrington, qui a construit un récipient de treize gallons contenant des poissons rouges et des escargots, a ajouté des plantes comme les zostères, expliquant très justement que la faune ajoutée à l'eau dégagerait suffisamment d'oxygène pour faire vivre les animaux.


Après cela, il n'y avait qu'un pas à franchir entre la Grande Exposition de 1851, où étaient exposés des aquariums victoriens aux caisses en fonte ornées, et le magasin de mon père à Marylebone, à seulement treize kilomètres de la capitale post-romaine du pays des Angles, où ce dernier mettait la dernière main à notre voyage au centre piscicole.


C’est ainsi sous une pluie fine et dans une atmosphère lourde que nous quatre, ma mère caquetant, mon petit frère odieux qui se plaint de ne pas avoir plus de temps pour être odieux, mon père et moi qui tentais de le soutenir dans son nouveau dada, parcourons l’enfer urbain pour sortir de Londres dans la Chrysler 180/2 litre.


Si ce sont deux femmes qui ont mis au point l'aquarium, ce sont deux hommes qui l'ont rendu populaire, en volant l'idée au sexe encore considéré comme inférieur dans le règne régressif de la reine. Tout d'abord, Philip Henry Gosse, qui a construit le premier aquarium public au zoo de Londres et a inventé l'expression "aquarium" dans son livre The Aquariums : An Unveiling of the Wonders of the Deep Water, et Edward Edwards, dont les parents inhumains l'ont poussé, par inadvertance, à développer et à breveter son "réservoir en pente arrière à chambre d'eau sombre", avec son circulateur d'eau pour garder les poissons frais.


Pendant ce temps, la Chrysler roulait à toute allure une heure durant, jusqu'à ce que nous arrivions à la poissonnerie, qui était en fait une jardinerie dans un champ de gravier. Mon père sortit et bondit jusqu'à l'entrée. Nous l’avons tous suivi, vingt pas derrière lui.


À l'intérieur, une merveille de jardinage nous accueillit avec le bruit caractéristique d’une fontaine en résine tape-à-l'œil qui coulait et incitait à uriner. Partout des sachets de graines mélangées, des plantes de bordure herbacées qui avaient commencé à accepter qu'elles vivraient là où elles avaient été placées, de gros papillons en métal que l'on collait dans le jardin pour imiter de gros papillons en métal, et d'affreux gnomes obèses, dont l'un nous dirigea vers la zone des poissons.


Là, mon père se mit à rassembler tout l'attirail dont il avait besoin pour réaliser son rêve. Dans un énorme bocal, qu'il choisit pour abriter ses spécimens, il plaça un filtre à eau, des bandes d'éclairage, du gravier blanc, un laveur de gravier, un conditionneur d'eau déchlorant, un petit filet, de la nourriture pour poissons et, bien sûr, les poissons eux-mêmes, chacun dans un petit récipient en plastique avec un couvercle scellé pour le voyage transterrestre.


Tout ce fourbi était posé sur un chariot plat disgracieux. Nous avons attendu ensuite très longtemps pour payer, avant que ma mère, perdant toute la patience qu'elle n’avait jamais eue avec des assistants désordonnés qui mettaient une éternité à faire quoi que ce soit, ne se mette à soupirer bruyamment et ne tourne les talons en agitant un doigt effilé vers l'extérieur. Elle nous ordonna de la suivre vers la voiture, ce que nous fîmes, laissant mon père désespéré dans la queue, avec son chariot plein à ras bord.


Dans la Chrysler, nous sommes restés assis en silence, principalement parce que ma mère détestait la musique autant que l'humanité, et parce que l'anticipation du voyage de retour et de l'installation de l'aquarium nous remplissaient tous de terreur, car nous savions que ce serait plus difficile que ce que mon père pensait et que des disputes s'ensuivraient.


La pluie tombait, nos espoirs tombaient, la mâchoire de ma mère tombait, mais nous nous ressaisîmes, à la manière de Jacob Marley.


Ce qui n'est pas tombé, de manière tout à fait inattendue, c'est mon père qui soudain émergea de la jardinerie en portant l'aquarium en courant sur le gravier humide. Hypnotisés, nous l'avons regardé, confus, s'approcher en titubant, et avons réalisé qu'il disait quelque chose à ma mère, laquelle avait baissé la vitre pour mieux entendre son bien-aimé qui vacillait vers elle, son pantalon en polyester menaçant de tomber à tout moment.


Finalement, ma mère l’entendit dire "coffre, ouvre le coffre", car elle nous répéta ces mots à voix basse, comme pour s'assurer qu'ils avaient un sens, avant de les répéter plus fort pour elle-même, avec une certaine urgence. Elle sauta alors du siège passager pour aller ouvrir le grand coffre de la voiture.


Mon frère et moi l'avons regardée se tenir là pendant que mon père s'approchait, avant d'entendre ce dernier clairement crier : "Entre, rentre", ce qu'elle fit après un rapide frémissement de compréhension, et en claquant la porte avec force.


Je sentis le poids du lourd contenant entrer dans le coffre, je l'entendis se refermer, et je suivis les pas rapides de mon père sur le gravier, alors qu'il se frayait un chemin autour du véhicule et se glissait sur le siège du conducteur. Il démarra le moteur et passa la vitesse au même moment, presque comme un conducteur en fuite.


Ce qu'il était, bien sûr.


Après que l'engouement ait commencé à s'estomper en Grande-Bretagne, ce sont les aquariophiles allemands qui ont volé la vedette et ont relevé le défi de développer ce hobby, avec des livres comme Der See im Glase (1856), ou Le lac dans un verre, qui a entraîné la création des premières organisations et sociétés d'aquariophilie dans le monde.


À leur tour, les États-Unis ont volé l'origine de l'aquarium, dans un numéro de 1858 de la North American Review, en prétendant qu'un certain William Stimson possédait le premier aquarium fonctionnel, ce qui n'était évidemment pas le cas.


Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais fait l'expérience d'une conduite dans une voiture vraiment rapide, et je suppose que la vitesse de pointe d'une Chrysler en 1978 n'était pas exactement une vitesse de croisière, mais nous avons certainement roulé très vite, ignorant des choses comme les panneaux de signalisation et les piétons, jusqu'à ce que mon père prononce les seuls mots qu'il a prononcés sur le chemin du retour.


Nous sommes hors de danger", finit-il par dire, et "ils étaient trop lents, je ne pouvais plus attendre".


Mon frère, encore trop jeune et odieux pour comprendre ce qui s'était passé, ma mère, trop abasourdie pour réfléchir au crime impulsif de mon père, et moi, trop mature pour ne pas réaliser que ce n'était pas normal, sommes restés assis en silence.


La voiture continuait de tourner. La pluie tombait toujours. l’aquarium vacillait à l'arrière.


Et le poisson combattant siamois planifiait son attaque fatale sur tous les autres poissons qu'il pouvait voir à travers son petit récipient en plastique rond et temporaire.


Photo by Neha Pandey

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