Il y a quelques jours, nous avons été informés de l'issue des élections américaines 2020.
En remportant à la fois le vote populaire et le collège électoral, Joseph Robinette Biden Jr est devenu le quarante-sixième président des États-Unis d'Amérique, ou le quarante-septième si l'on compte John Hancock qui a été le premier à détenir le titre.
Lorsque l'annonce du résultat est tombée, nous avons tous poussé un soupir de soulagement, même en sachant que nous nous préparions à une transition tumultueuse entre l’enragé républicain et le retour au bon sens. Nos larmes de joie n’ont pourtant pas masqué le fait que nous vivions l'un des jours les plus étranges de l'histoire.
Heureusement que nous avons acquis la capacité de faire face à l'étrange, après quatre ans d’un traitement rhétorique fallacieux et de prise de décisions bizarres, et qu’il existe un processus qui viendra à bout de cette folie, quel que soit le temps que cela prendra.
Mais pensez plutôt aux gens ordinaires de Nuremberg, qui se sont réveillés le 14 avril 1561, non pas face à un vulgaire gouvernement qui s'accroche à la notion sans consistance de fraude comme une bernache sur le Titanic, mais face à une bataille surnaturelle, qui se déroulait juste au-dessus de leurs têtes, dans le ciel du matin.
Alors qu'un visage orange en colère fait désormais partie de notre conscience quotidienne, nous savons que nous pouvons le rattacher à l’espèce humaine. Au milieu du XVIe siècle, l’apparition d’un visage rouge sang orange proche du soleil, se scindant en deux et formant des croissants de lumière, était bien moins compréhensible.
Et, comme le délire qui a suivi l'élection "la plus sûre de l'histoire américaine", cette apparition était terrifiante parce qu'elle était totalement sans précédent.
Alors que notre réalité continue à être surréaliste à cause du déni du processus démocratique par le camp des perdants, le phénomène céleste médiéval a évolué rapidement, et de façon encore plus étrange. Tandis que les experts se succèdent dans l’analyse du fiasco des élections 2020, les habitants de Nuremberg faisaient la queue pour regarder le soleil pondre des boules de matière noire, qui semblaient se rassembler en rang et voiler le visage orange, avant de sillonner le ciel selon des motifs linéaires et curvilignes, et de s'incliner autour du soleil comme pour le contrarier.
Selon les nombreux témoins présents, les objets dans le ciel commencèrent à rappeler des formes de toute sorte.
Si l'équipe sortante de la Maison Blanche lance toutes sortes de défis juridiques et bloque la transition qui est attendue d'elle, les habitants de Nuremberg ont, quant à eux, commencé à remarquer des objets reconnaissables dans le ciel ; des lignes, des cercles, des cylindres, des sphères et des "croix rouge sang, entre lesquelles il y avait des bandes rouge sang, devenant plus épaisses à l'arrière et à l'avant". En outre, lesdits objets ont commencé à se battre entre eux, comme dans une bataille aérienne pour la suprématie.
Alors que la population étazunienne est prise en otage dans ce combat entre le bien et le mal, les habitants de la petite ville allemande furent abasourdis par les combats célestes, qui prirent des proportions épiques au fur et à mesure que la journée avançait, lorsque "... les globes, qui étaient d'abord dans le soleil, s'envolèrent vers ceux qui se trouvaient à l’extérieur, des deux côtés, ensuite, vers les petites et les grandes tiges, avant de le rejoindre".
Bientôt, un grand triangle noir apparut, planant au-dessus d'eux. Il resta immobile, comme un vieux grincheux qui ne veut pas partir quand la fête est finie.
Le triangle semble être resté en l'air pendant un certain temps avant de s'écraser sur terre avec ses globes de soutien, qui "... se sont tellement épuisés qu'ils sont tous... tombés du soleil sur la terre "comme s'ils brûlaient tous" et puis se sont éteints sur la terre dans une immense fumée".
Je suppose que si une personne sensée avait été témoin de cela le 2 novembre de cette année, elle n'aurait eu aucun doute sur le résultat des élections et aurait couru se cacher dans sa cave avec du thon en boîte, des sacs de pâtes et, cent soixante rouleaux de papier toilette.
De nombreuses interprétations des événements de ce jour de 1561 ont été proposées au fil des ans, tout comme le déroulement de l'élection 2020 sera analysé à perpétuité.
Carl Gustav Jung, le psychiatre et psychanalyste suisse, a estimé que le spectacle était probablement dû à un phénomène naturel, suggérant que les objets avaient été décrits de cette façon en raison de la contextualisation à la fois militaire et religieuse qui en a été faite par les témoins de l’époque. Bien qu'il s'agisse d'une analyse parfaitement sensée, Jung semble cependant avoir cédé à un nouvel accès de fièvre, comme celle vécue à Calcutta lorsqu’il a ajouté que "Si les [objets] étaient des organismes vivants, on pourrait penser à un essaim d'insectes se levant avec le soleil, non pas pour se battre les uns contre les autres mais pour s'accoupler et célébrer la danse du mariage".
D'autres experts plus cohérents ont suggéré que ce qui s'est passé à Nuremberg était le résultat d'un chien-soleil, un halo céleste causé par la réfraction de la lumière du soleil par les cristaux de glace dans l'atmosphère. D’autres encore ont dit que les conditions environnementales avaient causé une sorte de pollution, un peu comme ces grands couchers de soleil dont nous jouissons, tout en ignorant le fait qu'ils sont le résultat de polluants qui rongent nos précieuses couches atmosphériques.
Bien sûr, beaucoup ont donné l'explication la plus évidente, à savoir qu'il s'agissait d'une bataille aérienne d'êtres extraterrestres, qui avaient déterminé que ce jour particulier dans la ville bavaroise était mûr pour une visite et un combat spectral dans le ciel de l'aube.
Et puis, il y a ceux qui expliquent très judicieusement le phénomène comme une sorte de maladie psychogène de masse ou d'hystérie collective, probablement causée par les difficultés que Nuremberg subissait en raison des blocus commerciaux et du manque de prospérité de ses citoyens, en identifiant que "de telles conditions accentuent généralement la pensée apocalyptique", provoquant un genre de folie chez les gens, et qui en conduit certains à s'entasser dans un espace confiné sans protection pendant une pandémie ou encore saluer un faux prophète.
À l'époque, les interprétations contemporaines étaient très différentes. La courant général de pensée était que Dieu avait envoyé un message pour admonester les pécheurs de Nuremberg en leur envoyant "un châtiment effrayant à cause de [leur] ingratitude" face à ce qu’il avait fait pour eux.
C'est de bon augure, car après les quatre dernières années, je ne crois pas que quiconque sera à nouveau ingrat, et j'espère que nous pourrons "éviter sa colère, y compris la punition bien méritée" que nous avons endurée jusqu'à la fin.
Lorsqu’enfin ce jour viendra.
Photo Ludovic Charlet
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