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Code_barrés par Sylvaine Perret-Gentil



Voilà, on y est ! Après le passeport biométrique, nous sommes à l’aube du passeport sanitaire avec un Quick Response Code, abrégé QR Code, un type de code-barres en deux dimensions.


QR Code sur le smartphone ou version papier, le certificat vert numérique de vaccination envisagé par l’Union Européenne ne différerait du bon vieux carnet de vaccination classique de l’OMS que sur un point. L’on pourrait ne pas être vacciné et faire état d’informations médicales sur des « signes d’immunisation durables ». Quels sont-ils ? En avez-vous déjà entendu parler ? Cela sera-t-il convaincant pour le pays de destination ? Ce serait surprenant, d’autant que l’on ne sait déjà pas si la vaccination est elle-même vraiment efficace sur la propagation de l’épidémie. Dès lors que l’on ignore si le vaccin prémunit de transmettre le virus et que l’on sait que la maladie n’immunise pas forcément pour longtemps, le test PCR continuera probablement d’être exigé dans tous les cas. Alors pourquoi ne pas maintenir le test PCR pour voyager et c’est tout ? A vrai dire, si l’on veut protéger les populations des pays de destination des vacanciers, autant les aider à vacciner rapidement leurs citoyens, plutôt que d’envisager des mesures dont l’efficacité réelle reste floue, si ce n’est douteuse.


Ce certificat fait couler beaucoup de salive, ce qui n’est guère recommandé en ces temps épidémiques. En soi, il ne serait pas le problème, mais uniquement l’obligation de fait de se faire vacciner qu’il va induire, chaque pays décidant de ses critères d’entrée. Or, plus les campagnes vaccinales avancent, plus le nombre de destinations exigeant des visiteurs d’être vaccinés augmentent. De surcroît, la tentation d’étendre ce type d’exigence à l’intérieur des frontières risque aussi d’être grande. En Israël, par exemple, la vaccination est devenue un laisser-passer pour l’accès aux bars, restaurants et salles de sport.


On comprend bien les enjeux économiques gigantesques qu’il s’agit de sauver, notamment l’industrie du tourisme selon les pays. On comprend bien la nécessité impérative de trouver des solutions pour permettre aux populations de reprendre leurs activités et à certains secteurs d’activités de revivre, comme la culture et la restauration. Il ne s’agit pas ici de condamner la mesure, encore moins le fait d’y réfléchir. Cependant, qu’induit-elle pour notre statut civique ? Code-barrés, c’est un début pour nous. Nos chaussettes et nos billets d’avion ont déjà l’habitude. Mais nous ? « Bons ou impropres au voyage », quel que soit le moyen de transport utilisé et quel que soit le pays de destination.


Jusqu’ici, les seules restrictions de voyage auxquelles nous nous heurtions concernaient de rares vaccins obligatoires pour quelques pays concernés. Selon, une brève recherche, seuls deux vaccins semblent avoir vraiment été un passage obligé avant le départ. La fièvre jaune pour certains pays d’Amérique du sud et d’Afrique et les infections invasives à méningocoques pour qui veut se rendre à la Mecque. Tous les autres vaccins sont plus ou moins fortement recommandés, mais pas obligatoires. Faut-il évoquer ici, sans être excessivement provoquant, que l’on a laissé voyager et migrer d’un pays à l’autre des centaines de milliers de personnes susceptibles de transmettre la tuberculose, l’une des maladies contagieuses les plus meurtrières, qui s’est finalement disséminée dans le monde entier. L’apparition du SIDA et de la résistance aux antibiotiques ont rendu, aujourd’hui, cette maladie très menaçante pour l’ensemble de la population mondiale, y compris celle des pays développés. S’en soucie-t-on pour autant ? Quoi qu’il en soit, il semble que ce soit la Covid-19 qui doive changer complètement la donne concernant une liberté de voyager qui était quasi-totale, sous quelques réserves liées aux visas et au risque terroriste.


Quel avenir cela nous prépare-t-il ? Imaginons … le QR Code du futur. Un gigantesque code matriciel dans lequel ira s’enregistrer toutes vos données sensibles.


Monsieur Petersen vit à Copenhague. Il est commercial dans une société d’export de produits de la mer. Il a été un citoyen plutôt tranquille et modèle jusqu’ici. Ici, c’est le début d’un divorce compliqué. Pendant la procédure, ses charges financières l’ont mis en difficulté. Il a pris du retard dans le paiement de ses impôts. L’administration fiscale s’est adressée à l’office de recouvrement. Acte de la puissance étatique, le commandement de payer a été enregistrés dans son QR Code. Mais ce n’est pas tout. En rentrant d’une soirée de déprimes partagées avec des amis, où il a bu plus que de raison, il s’est encastré avec son véhicule dans un gros tas de neige, sous lequel, hélas, se cachait la voiture du couple Hansen. Peu conciliants, ceux-ci ont voulu un constat de police qui a obligé Petersen à avouer qu’il avait trop bu, ce que la prise de sang a confirmé. Acte de la puissance étatique, sa condamnation pour conduite en état d’ébriété a été enregistrée dans son QR Code. Puis, la banque l’a informé de sa décision de restreindre la ligne de dépense de sa carte de crédit, prise sur la base du risque créé par le commandement de payer. En quelques mois, Petersen a cumulé les mauvais points. Pour couronner le tout, son dernier examen médical a révélé une thrombose veineuse profonde pour laquelle on lui administre un traitement anticoagulant depuis un mois.


Le 27 juin, Petersen reçoit un appel de l’agence de voyage à laquelle il s’est adressé pour organiser une semaine de vacances avec ses enfants. Des vacances pas chères vu son budget restreint. Il a demandé à pouvoir aller dans un camping sur la côte catalane en Espagne. L’agence l’informe qu’il ne pourra pas se rendre à Barcelone en avion. La compagnie d’aviation le refuse, après consultation de son QR Code. La thrombose veineuse profonde fait partie de la liste des pathologies obligatoirement enregistrées dans le QR Code et communiquées aux compagnies d’aviation, qui ne veulent prendre aucun risque d’accident de santé en vol. L’agence lui propose le train. Mais ce n’est pas tout. L’agence de location de voiture en Espagne est réticente après consultation du QR Code. L’alcool ne fait pas bon ménage avec la conduite automobile. A la rigueur, elle accepterait de lui remettre un véhicule moyennant majoration du prix journalier et des primes d’assurance. L’interlocutrice de Petersen craint que cela soit hors de son budget. Et puis, elle lui demande comment il veut régler sa facture, qui comprendra les billets de train et la location de l’emplacement au camping. C’est là que Petersen se souvient de la décision de sa banque. Il espérait payer par tranches en utilisant sa carte de crédit, mais cela ne va pas être possible. « Impropre aux vacances à l’étranger », voici le verdict du QR Code de Petersen !


Impossible ? Cela existe déjà sous la forme du système de crédit social en Chine, pays bienveillant où vos achats de produits de luxe ou de billets d’avion sont bloqués, autrement dit où l’on contrôle vos dépenses, pour vous obliger à rembourser vos dettes. Bien sûr, nous ne sommes pas la Chine … mais nous disposons de tous les outils de surveillance globale et de masse, ainsi que des technologies d’analyse du big data, auxquels la Covid-19 donne déjà bien des prétextes d’application. Évidemment, comme en Chine, un tel système ne pourrait qu’incitatif et mis en place dans notre intérêt. Il s’agirait de prévoir des garde-fous pour nous maintenir dans le droit chemin et dans le cadre de nos obligations légales, parmi lesquelles le respect de la législation sanitaire.


Le QR Code a été inventé par un ingénieur japonais, en 1994, pour suivre le chemin des pièces détachées dans les usines Toyota. L’apparition des smartphones lui a donné un souffle mondial, grâce auquel il est devenu l’un des codes bidimensionnels les plus connus. La Covid-19 lui offre la chance de sa vie. On estime que le QR Code a gagné cinq années de maturité numérique pendant les mois d’épidémie de 2020 ! Il connaît une démocratisation exponentielle. Grâce à des startups spécialisées dans l’expérience client, les cafés et restaurants ont utilisés, à très large échelle, le QR Code pour permettre à leurs clients d’accéder aux menus, de commander et de payer sans contact. Les offices de tourisme, musées et réseaux de transport y ont de plus en plus recours.


Bref, dans la course mondiale visant à soumettre la moindre de nos activités aux technologies du numérique, la Covid-19 offre des aubaines de développement, parmi lesquels les systèmes de paiement sans contact et les implants à micro-puces, qui utilisent tous deux les technologies de radio-identification et de communication en champs proche, et le QR Code, qui va certainement continuer à se tailler un franc succès et trouver des applications concrètes nouvelles. Pour quels bénéfices humains ? La réponse dans quelques décennies.


Image by Wilfried Pohnke

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