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Dies Natalis Solis Invicti par Sylvaine Perret-Gentil

Dernière mise à jour : 3 mars 2021



En 2020, à l’époque de Netflix et d’Amazon Prime, à l’époque où l’on investit des budgets colossaux dans les séries TV, les films d’action et fantastiques, comment se fait-il que le menu télévisé de Noël soit toujours la même soupe de comédies à gags et comédies romantiques, souvent les mêmes films qui tournent en boucle et que plusieurs générations déjà connaissent par cœur ?

Noël pour les écrans ! The Holiday et Love actually, sortez vos mouchoirs et la bûche au chocolat ! Jingle all the way (La course au jouet), Home alone (Maman j’ai raté l’avion), Trading places (Un fauteuil pour deux), Le père Noël est une ordure, sortez votre plus belle humeur de fête !

Toutes ces comédies sont teintées et saupoudrées de ce qu’il conviendrait d’appeler « l’esprit de Noël ». De l’esprit de famille, des enfants, un soupçon de réconciliation, un peu de solidarité pour plus malheureux que soi, un brin de générosité pour plus pauvre que soi, une touche de justice sociale, le tout arrosé de quelques larmes et beaucoup de sirop ou de gros rires pour ceux que Noël laisserait prétendument insensible. C’est tout public, c’est politiquement correct, non religieux, lisse et charmant.

A quand une grosse production Netflix sur Noël ? L’arrivée sur terre, le 24 décembre au petit matin, d’une capsule d’envoyés de la confédération intergalactique en contact, à notre insu, avec nos robots hyper-intelligents et empathiques à notre sort de pauvres humains errant à la recherche du sens de Noël ? Les envoyés de la galaxie seraient venus à leur demande pour nous sortir de notre ignorance. Grâce à une haute technologie, les humains pourraient parler directement avec Le Créateur du monde, celui qui a fait naître la lumière de la nuit, mais les humains bornés croiraient à un piège pour envahir la terre. Alors ils chercheraient à détruire les envoyés de la confédération intergalactique, mais les robots s’en mêleraient pour sauver l’humanité. Trois humains seraient enlevés, dans la nuit de Noël, pour repartir avec les envoyés de la galaxie. Ils rencontreraient Le Créateur du monde, qui leur expliquerait Noël et les renverrait sur terre avec plein de cadeaux en guise de preuves de leur rencontre. Alors, à leur retour, le 25 décembre, les humains organiseraient une grande fête avec les robots et les envoyés de la galaxie et, cette nuit-là, chacun pourrait voir un selfie des trois humains avec Le Créateur du monde sur son écran tactile.

Fête chrétienne et si universelle, Noël vient du latin natalis. Les Chrétiens fêtent la naissance de Jésus, mais la date du 25 décembre indique aussi que le retour de la lumière relie Noël aux célébrations des autres religions et civilisations. La Lumière victorieuse des Ténèbres au solstice d’hiver a toujours été célébrée et l’est encore. Chez lesdits « païens » avec Yule (solstice), chez les anciens Celtes avec Mabon (solstice), chez les Indous avec Diwali (novembre), chez les Scandinaves, en Islande en Italie et en Croatie avec Sainte-Lucie (13 décembre), le premier jour où le soleil se couche plus tard que la veille, chez les Juifs avec Hanouka (décembre), chez les Perses en Iran avec Yalda ou Shab-e Tchelleh (20 décembre), la nuit de la naissance du soleil.

Le culte de Mithra, divinité perse qui délivre le monde de ses Ténèbres, importé par les légionnaires, était célébré à Rome depuis le 1er siècle avant J.C. On fêtait donc, au solstice d’hiver, la naissance de Mithra, le soleil invaincu. En 274, l’empereur Aurélien déclara le culte de Mithra religion d’état et en fixa la célébration le 25 décembre.

Les évangiles ne disent rien sur le jour de la naissance de Jésus et l’église a cherché la date idoine. En 354, le Pape Libère instaura le début de l’année liturgique le 25 décembre. Symboliquement, il s’agissait de célébrer la venue du Christ comme le « lever du Soleil de Justice » (Luc 1/78, Malachie 3/19). La fête du 25 décembre devint exclusivement chrétienne sous l’empereur Théodose, qui en codifia les cérémonies en 425. Elle arriva en 379 à Constantinople, au début du Ve siècle en Gaule, au milieu du siècle à Jérusalem et à la fin du siècle en Égypte. La messe de minuit fut célébrée dès le Ve siècle sous le Pontificat de Grégoire le Grand. Puis la fête de Noël se répandit en Europe, au Ve siècle en Irlande, au VIIe siècle en Angleterre, au VIIIe siècle en Allemagne, au IXe siècle dans les pays scandinaves et IXe et Xesiècle dans les pays slaves.

Toutefois, dans les églises d’Orient, c’est le 6 janvier que l’on célébrait la manifestation de Dieu dès le IVe siècle. Il s’agissait à la fois de la manifestation de la naissance de Jésus aux bergers et aux mages et de la manifestation du Christ à son baptême. Aujourd’hui, les Patriarcats de Constantinople et d’Antioche ainsi que l’église grecque célèbrent la naissance de Jésus et la visite des mages le 25 décembre (calendrier grégorien). En revanche, les églises coptes, éthiopiennes, arméniennes, russes et serbes les célèbrent le 7 janvier (calendrier julien).

A partir du XIIe siècle, les drames liturgiques sont apparus avec la mise en scène de « mystères » tels l’adoration des bergers et la procession des mages. Les premières crèches d’église apparurent en Italie au XVe siècle et les crèches familiales à Naples et en Provence au XVIIe siècle. Les Protestants préférèrent aux crèches, l’arbre de Noël, qui symbolisait le paradis d’Adam et Eve et la connaissance du bien et du mal. Initialement garni de pommes rouges, il fut nommé comme tel, pour la première fois, en Alsace vers 1521. Il fut adopté en Allemagne au cours du même siècle, celui de la Réforme. On y ajouta des confiseries et une étoile au sommet, celles des bergers. A partir du XVIIe siècle, l’arbre de Noël fut illuminé grâce à des coques de noix remplies d’huile dans lesquelles on trempait une mèche.

Le Père Noël fit surface à partir du XIXe siècle. Son ancêtre légitime est évidemment Saint-Nicolas ou Santa Claus, patrons des enfants et des écoliers, importé aux États-Unis par les Hollandais, qui avaient maintenu la tradition de Sinter Klaas le 6 décembre, malgré la Réforme protestante du XVIe siècle qui la supprima. Sous la plume d’un pasteur protestant américain (A visit from St. Nicholas de Clement Clarke Moore), Santa Claus fut dépossédé de ses attributs épiscopaux et de son acolyte le Père Fouettard. Avec un bonnet tout neuf et un traîneau tiré par huit rennes, il traversa l’Atlantique et s’imposa en Europe lors de la Ie guerre mondiale. Récupéré pour des campagnes publicitaires devenues célèbres, il connut un succès planétaire qui répandit la fête de Noël, en tant que fête des enfants, et la tradition des cadeaux le 25 décembre dans le monde entier.

Si la finalité avait été un peu moins mercantile, si le Santa Claus du XXe siècle avait parlé davantage de paix et de tolérance, la mondialisation du personnage n’en aurait été que plus intéressante. Mais comment donner une parole audible et crédible à un personnage devenu plutôt bouffon et ridicule et dont l’existence prétendue est déjà une imposture au tout premier âge d’un enfant qui fête Noël ?

Le solstice d’hiver de cette année 2020 connaîtra une grande conjonction astrologique rare, la dernière fois en 1623, voire en 1226 pour un alignement aussi étroit de Saturne et Jupiter, qui formeront ce que d’aucuns appellent l’Etoile de Noël, celle qui aurait guidé les rois mages jusqu’au berceau de Jésus. Cet alignement est effectivement visible à l’œil nu actuellement et jusqu’au 21 décembre, date à laquelle les deux planètes se sépareront à nouveau. Basculement de Saturne et Jupiter du Capricorne en Verseau, saurons-nous saisir l’occasion de nous élever au-dessus de la matière pour bâtir un monde plus pérenne, plus juste, plus uni et universel pour les générations futures ?


Picture by Cottobro

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