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En direct de Wimbledon par Robert Yessouroun



Que d’émotions, ce dimanche ! Quelle finale, mesdames et messieurs ! Beaucoup avaient annoncé la rencontre du siècle. Personne n’est déçu. Qui n’est pas épaté par ce nouveau boulet : un ace sur la ligne, à plus de trois cents km/h !

Le numéro un mondial grimace amèrement. Il n’a même pas dû percevoir le passage de la balle… Chacun du haut de sa chaise à un bout du filet, l’arbitre humain comme l’arbitre artificiel valident le score : deux jeux à zéro pour Sniper, le prototype. Jusqu’à présent, ce prodige n’a commis aucune faute, ni directe, ni indirecte. Si ce match continue à un tel niveau, le plus grand joueur de tennis du monde (après le fameux Suisse) sera écrasé 6 – 0, 6 – 0, 6 – 0 ! Sans la moindre hésitation, l’automate se déplace à une vitesse phénoménale, choisit toujours le bon côté, se plaçant juste derrière le rebond de la balle. Pourtant alourdi derrière le dos par ses deux bombonnes (blanches) chargées d’hormones, soit au filet, soit au fond du court, il vous rattrape tout, amorties, slicées, lobes, smashes, et j’en passe ! Jamais la proie du doute ! Son taux de réussite au premier service : cent pour cent ! Du jamais vu, mesdames et messieurs. Une page d’histoire du tennis se tourne. Le Grand Chelem ne sera plus comme avant.

Le champion en titre peut trembler. Songe-t-il à son accueil à Irkoutsk par ses supporters vindicatifs ? Le Royaume de Sibérie n’est pas tendre avec ses idoles de retour d’une débâcle.

Notre caméra dotée d’un filtre ultrasensible teinte les vêtements blancs des joueurs selon l’humeur chez l’humain, selon la température du système moniteur chez le robot. Comme vous pouvez le constater sur vos écrans, le short et le polo d’Igor Volovitch rosissent nettement. La tenue de Sniper, elle, demeure immaculée, avec l’écusson de la compagnie bâloise qui l’a fabriqué (écusson à l’effigie de Guillaume Tell).

Nerveux donc, le Sibérien change déjà de raquette. À lui, le service. L’androïde helvète l’attend avec le calme du Cervin sous le soleil. Il n’a guère besoin de s’éponger, lui.

Le toit du Court central est retiré. Un beau ciel bleu, à peine voilé. Par intermittence, un léger vent marin souffle à moins de cinq nœuds. Une jeune fille vient remplacer l’un des robots ramasseurs de balles, un quadrupède à trompe de la Boston Dynamics devenu trop lent à l’aspiration.

Igor donne une bise à son index, geste ô combien fétiche, puis, il fait tapoter la balle contre l’herbe défraîchie par tous les combats précédents. L’arbitre humain lui signale qu’il prend trop son temps.

Le premier service s’abat dans le filet. Crispé, le numéro un tire sa seconde balle, une balle liftée, dont les effets sont bien anticipés par son challenger, qui, dès l’approche téméraire de son adversaire, lui décoche un de ces passings que même Dieu ne pourrait rattraper.

0 – 15. Les habits du Sibérien virent au rose foncé. Sans plus attendre cette fois, grommelant tout seul, le champion propulse la balle à 220 km/h. My God ! Malgré le contrepied, l’androïde retourne le bolide en visant le torse de Volovitch. Ce dernier s’écroule pour échapper au choc.

0 – 30. Quel match, mes amis ! Une tuerie !