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Héritage numérique par Bertil Wicht et Estella Loureiro



Notre vie numérique après notre vie ou l’héritage numérique


Nous sommes tous confrontés, à un moment où un autre, au décès d’un proche impliquant bien souvent une longue bataille administrative afin d’annoncer la nouvelle à tous les organismes contractuellement liés au défunt. En dépit de la longueur et de la complexité de la charge, des procédures sont mis en place afin de faciliter la vie des proches du de cujus, en langue juridique. Toutefois, vous constaterez assez rapidement que pour le numérique, il en est tout autre. En effet, après le décès, si une machine s’enclenche pour l’administratif, la vie numérique elle pourrait continuer ad æternam. Bien que l’utilisateur ne se connectera plus jamais, ses multiples comptes resteront actifs à moins que l’un de ses héritiers ne s’y connecte. Comme le mot de passe est personnel, il n’y a pas de moyen de faire une suppression rapidement. Tous cela est connu sous le nom de « l’héritage numérique », sous-entendant bien souvent une tâche supplémentaire incombant aux héritiers, qui ne sont pas préparés.


Dans une situation idéale, le défunt se sera chargé d’organiser sa succession numérique ante-mortem. Il s’agit évidemment d’un cas rare qui mérite d’être cependant cité. Cela peut se faire soit par un testament, en désignant un héritier ou légataire responsable d’agir en fonction des demandes du défunt, soit par anticipation directement auprès des plateformes sur lesquelles la personne est inscrite. Si peu de gens s’aventurent de leur vivant dans les paramètres de sécurité de leurs données, on peut supposer que cette tâche est faite par un nombre encore plus restreint. Cependant, Facebook propose plusieurs possibilités afin de palier à cette étape comme la nomination d’un légataire du compte afin de transformer le compte en page commémorative ou alors de prévoir la suppression totale du compte. Il convient bien sûr de rappeler que Facebook gardera tout de même vos données. Dans ce second cas de figure, lorsque le décès est annoncé par un tiers à Facebook, alors, le compte, ainsi que les conversations et les images publiées par le défunt seront supprimées aux mêmes conditions qu’une suppression faite par la personne de son vivant.


Dans le cas le plus courant, une demande de suppression aux réseaux sociaux est adressée post mortem : Facebook ainsi que Twitter et LinkedIn prévoient des procédures de suppression de compte a posteriori, en général, sur simple présentation de la preuve du décès : avis de décès, testament, lettre de succession etc. Microsoft a également décidé de prendre part à ce courant d’idée, en permettant à un parent proche du de cujus ou d’une personne médicalement incapable elle-même de faire une demande, afin de récupérer toutes les données de la personne concernée. Toutefois une vérification rigoureuse de l’identité de l’héritier est faite en amont afin de s’assurer des droits des personnes. Il s’agit là d’un prolongement aux héritiers du droit d’accès octroyé par bien des lois sur la protection des données.


Néanmoins, il semble important de relever que toutes les plateformes ne prévoient pas de procédures préétablies et cela implique bien souvent une tâche chronophage pour les héritiers qui abandonnent le processus rapidement considérant la « futilité » de l’acte. Il faudrait aujourd’hui rendre compte de la responsabilité des entreprises concernées de faciliter la suppression pour se conformer à un éventuel droit à l'autodétermination en matière d'information voire à une sorte de droit à l’oubli.


Le droit à l’oubli en Suisse est défini comme la possibilité de maîtriser ses traces numériques et sa vie tant privée que publique en ligne. Il ne s’agit pas d’un droit absolu mais diverses dispositions légales s’agencent autour de cette problématique. Il s’agit d’un droit servant à la protection de la vie privée des individus et appliquant directement le principe de proportionnalité très fréquemment invoqué dans le cadre de traitement de données. Cela va bien sûr dépendre des souhaits du défunt, qui pourrait évoquer une volonté de déréférencement ou un effacement d’informations peignant un portrait défavorable de ses actions même si, de manière objective, cela aurait certainement plus un impact vis-à-vis de ses héritiers, que sur lui-même.


Quotidiennement nous créons des contenus que nous publions sur Internet. Nous passons beaucoup du temps de nos vie à travers le prisme du numérique. Il est facile de créer, il devrait en être de même pour effacer.


Picture by Pixabay

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