Le livre de la jongle par Nigel Roth

Nuremberg, 1680.
Deuxième ville en taille après Munich, la cité construite au bord de la Pegnitz revendique sa place en Bavière et son style baroque.
Le Conseil municipal, réuni depuis plusieurs heures dans le château impérial, sortit enfin après avoir trouvé un consensus sur l’objet du jour.
"Aufmerksamkeit bitte", dit l'Ausrufer, "nous avons pris une décision !"
Puis, s’adressant aux habitants frigorifiés, il les informa qu'à partir de ce jour, Nuremberg aurait un "maître de balle" qui apprendrait aux gens à jongler.
Franchement, à la place d’un habitant de l'ancienne Nuremberg qui vient d’avaler ses chaussures pour survivre aux rudesses de l’hiver, il se pourrait que j’aie besoin que le crieur public répète l’information une fois de plus, plus lentement, pour être sûr d'avoir bien entendu.
Mais, bizarrement, jongler, pourrait se révéler être une compétence plus utile que ce que l'on peut imaginer de prime abord, pour autant que l’on puisse s’adonner à ce jeu d’adresse les doigts gelés.
Aussi loin que l'on remonte dans le temps, le jonglage a toujours eu un but, une raison d’être et un symbolisme.
Prenez le cimetière égyptien de Beni Hasan, par exemple, on y trouve des peintures vieilles de quatre mille ans montrant des jongleurs en train de lancer des balles et des objets en forme de soleil. Le fait que ces objets aient été enterrés avec le défunt confère un sens particulier à cette activité, celui d'une renaissance potentielle ou du cycle inévitable de la vie et de la mort, ou peut-être tout simplement le témoignage d'une vie bien jonglée.