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Le nez sur le masque par Katia Elkaim



Nous avons tant écrit sur la pandémie, les vaccins, la fracture sociétale que ce COVID a créée, une fracture différente de celles que nous connaissions jusqu’à ce jour, que je pensais que tout avait dit et qu’il fallait maintenant trouver la voie de la réconciliation.


Curieusement cette réconciliation viendra peut-être de cette cacophonie étatique au sujet de la troisième dose et des règlements tout aussi alambiqués sur la définition même de celui qui est vacciné.


Le grand avantage de ceux qui ne le sont pas est que la question ne se pose pas pour eux. En revanche, ceux qui, pour toutes sortes de raisons, ont fait le pas parfois à contrecœur, pourraient maintenant se voir contester leur statut de « personne vaccinée » et se retrouver gros jean comme devant avec un sentiment d’avoir été trahis et bien mal récompensés de leur effort pour le bien commun.


À ce propos, en ne perdant pas de vue ce bien commun, j’ai été amenée, de manière un peu anecdotique à me demander pourquoi j’étais à ce point irritée lorsque je voyais une personne porter son masque sous le nez.


Pas plus tard que hier, j’étais dans un restaurant ; l’un des serveurs portait un masque lâche sous un tarin soudain extrêmement proéminent. En le regardant, je ne voyais que ses points noirs et les pores dilatés de son organe.


Je me suis surprise à ressentir un vague dégoût et à considérer de manière absolument irrationnelle que cette personne faisait preuve d’indécence, comme s’il me servait les fesses boutonneuses à l’air.


Devant cette réaction parfaitement disproportionnée, je me suis astreinte à cette réflexion : pourquoi le nez serait-il aussi peu ragoûtant que le derrière ou les pieds ? Tout est dans le contexte. Le nez au milieu d’un visage fait partie d’un tout et rend ce dernier gracieux, comme le postérieur peut l’être chez un homme que l’on aime ou des pieds nus lorsqu’ils sont sur une plage ou en ville, même s’ils ne sont qu’à peine cachés par des sandales qui ne couvrent rien. C’est une question de conventions sociales.

Qu’on le veuille ou non, il y a des endroits pour se dénuder et d’autres pas.

Mais on parle ici du nez ! Un appendice qui n’est jamais dissimulé. Un organe essentiel qui nous permet de respirer. Il ne s’agit donc pas de nudité mais d’autre chose.


Le pif comprend deux orifices remplis de poils. Régulièrement, ces trous se remplissent d’un mucus qu’il nous faut évacuer, opération que nous faisons en principe le plus discrètement possible pour éviter d’incommoder les autres.


Et voilà où la chatte a mal au pied. Dans cette pandémie, le nez est désigné comme le foyer du virus. C’est dans le nez que l’on nous enfonce cette tige à chaque fois que nous devons nous faire tester. Lorsque nous éternuons, nous expulsons à la vitesse d’un TGV nos gouttelettes chargées de toutes sortes de pathologies, en sprayant nos voisins.


Dès lors, comment interpréter le comportement de celui qui porte son masque sous cette bombe à retardement autrement que comme une manifestation d’égocentrisme ? Vacciné ou pas, le constat est le même. Ce que cela révèle, c’est un je-m’en-foutisme analogue à celui du chauffard. Moi d’abord et les autres ensuite.


D’aucuns vous diront que l’obligation du masque est un leurre, que cela ne protège pas du virus, en particulier lorsque l’on est vacciné.


C’est vrai que ce n’est pas une panacée et peut-être que toutes ces précautions sont inutiles. Le masque que l’on nous impose n’est pas destiné, dans la majeure partie des cas, à se protéger soi, mais les autres et le fait d’être vacciné ne change rien à cette démarche, puisque nous savons que même vacciné, un petit pourcentage l’attrapera.


La question n’est en réalité pas de savoir si le masque est efficace ou pas, mais plutôt celle de savoir si collectivement, nous prenons part à un effort de solidarité.


Autrement dit, celui qui porte son masque sous le nez vous dit : je me fiche de te protéger et ta santé passe après mon confort. C’est le même égoïsme que celui dont fait preuve le conducteur qui favorise son arrivée rapide à destination, au détriment de la sécurité des autres usagers de la route, tout en expliquant que rouler à 130 km/h sur l’autoroute ne met pas plus en danger qu’à 120 km/h, ce qui est peut-être vrai mais n’est pas le fond du propos.


Cela étant, je fais aussi mon examen de conscience en écrivant ces lignes car nous sommes tous, moi y compris, des individualistes à des degrés divers et il est grand temps de nous demander comment penser aux nôtres, les humains de cette planète, en commençant par nous reconstruire une réalité commune qui exclut la pandémie de cette équation pour nous ramener à des considérations essentielles.


Photo by Cottonbro

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