Comme beaucoup d’enfants de son âge, notre fils est très secret, une petite huître pétrie d’omerta : sauf urgences, ce qui se passe à l’école reste à l’école.
Rien de surprenant, donc, à ce qu’à la maison, nous ayons mis un moment avant d’entendre parler des procès de la tech junior.
Bien sûr, nous avions reçu quelques courriels au fil du temps, mais Germain semblant montrer des velléités d’autonomie bienvenues, nous étions trop contents de le laisser gérer.
Les rendez-vous zoom du mercredi se succèdent, d’abord inaperçus : Germain vient d’avoir son premier téléphone, il en profite pour appeler la famille et les copains. Tant qu’il n’exagère pas, on n’y fait pas trop attention.
Mais quand il commence à mettre une alarme sur ledit téléphone pour ne pas manquer le rendez-vous, cela nous met la puce à l’oreille. Il se trame quelque chose d’assez important pour qu’il refuse une invitation à jouer chez un copain, renonce à un épisode de la dernière série à la mode, ou estime cela suffisant comme alibi pour repousser l’heure de faire ses devoirs.
Nous apprenons que du temps va même être réservé sur les heures de français pour préparer le concours. C’est maintenant certain, c’est plus sérieux que nous le pensions, au point que Germain et une camarade de sa classe sont coachés par une avocate, qui prend chaque semaine de son temps pour les préparer à leur plaidoirie.
Les jours passent, et les demi-finales approchent. Germain prend bien soin de nous rappeler que l’important, c’est de participer.
La veille au soir, il nous rappelle quand même que participer, c’est bien, mais qu’il y a un dress code à respecter. Petit moment de panique quand nous réalisons que tous ses costumes habituels sont bien sûr au pressing. Nous n’avons donc que la cravate et investissons dans l’urgence dans un costume de secours.
Heureusement, sa camarade et lui ne se contentent pas de participer, ils sont sélectionnés pour la finale. L’investissement sera donc bien amorti.
À la maison, Germain fait mine de garder son calme, mais la tension se matérialise doucement. Il y a maintenant un enjeu.
La préparation devient plus pointue, puisqu’il doit apprendre sa plaidoirie par cœur. Son texte ne le quitte plus, et on entend par-ci par-là quelques passages qu’il se répète à lui-même.
Puis vient la finale. Les enfants sont tous tirés aux quatre épingles, les familles et les enseignants sont là en soutien, ainsi bien sûr que les coachs des différentes équipes, qui veillent jusqu’au bout sur leurs protégés. Le public ainsi formé fait l’effet d’une foule après plus d’une année de restrictions des contacts.
Le panel/jury/cour n’est composé que de professionnel(le)s de premier plan, les plaidoiries seront filmées et diffusées en direct, les intervenants, en première ligne ou en coulisses, se présentent.
C’est seulement à ce moment-là que nous nous rendons vraiment compte de tout ce qu’il a fallu mettre en place pour que cet événement puisse avoir lieu.
L’idée du projet est intéressante et originale, mais elle ne serait rien sans les personnes qui l’ont portée, qui ont donné de leur temps et de leur énergie, sans doute aussi de leur patience, pour encadrer ces plaideurs en herbe.
Les enfants sont brillants. Ils ont chacun leur style, leurs forces et leurs arguments, et se montrent tous à la hauteur de l’événement, sans se démonter face au public ou face à la cour.
Ils sont émouvants.
Le masque est bien pratique dans une telle situation. On voit moins les lèvres qui tremblent.
Après des délibérations ardues au vu de la grande qualité des prestations des finalistes, et après les compliments qui reviennent de droit à tous ces enfants qui ont osé relever le défi, et l’ont fait avec brio, c’est finalement l’ENSR qui l’emporte.
Mais au fond ce n’est pas ça qui compte. Alexiane et Germain, comme les autres, ont surtout vécu une expérience forte qu’ils ne sont pas près d’oublier. Un mélange d’audace de leur part, de générosité et de bienveillance de la part des personnes qui les ont encadrés et guidés tout au long du parcours, et tellement d’apprentissages, sur la forme et sur le fond, qui qui les marqueront pour longtemps.
Sur une note plus personnelle : est-ce que cela nous rassure de vivre sous le toit d’un enfant qui a mis tant d’énergie, jambes tremblantes et voix posée, à faire acquitter un robot tueur ? Et qui en est si fier ! En tous cas il se sera bien amusé à grandir en le faisant, et en tant que parents, que souhaiter de plus ?
Avec encore un immense remerciement à toutes les personnes impliquées dans ce projet formidable.
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