Samson est mort ce matin d’une banale appendicite, couché sur le côté dans un box des urgences d’un grand hôpital universitaire. L’établissement se targue pourtant d’être l’un de plus performant d’Europe avec un équipement sans cesse renouvelé.
La mort de cet homme de 35 ans est le premier décès non-viral répertorié depuis près de 10 ans ce qui donna automatiquement lieu à une procédure d’enquête interne.
Le directeur de l’hôpital fut entendu le dernier :
- Veuillez s’il vous plaît décrire la procédure habituelle lorsqu’un patient arrive aux urgences. L’homme, un père de famille honnête et dont la réputation n’était plus à faire, soupira.
- Le cas a été signalé par un appel d’une passante aux services de transports sanitaires, il y a 24 heures. Souhaitez-vous entendre le contenu de l’appel ? Le voici : « Bonjour, venez vite…Il y a un homme, il gémit dans les toilettes du Centre commercial Bellevue... Je ne suis évidemment pas allée voir ce qu’il avait, mais je pense que quelqu’un doit venir le chercher… Il n’a pas l’air bien…Vous avez besoin de mon nom ?...Non, bien sûr…Faites vite…Il est peut-être porteur d’un virus… Je ne veux pas rester, c’est trop dangereux…Je peux m’en aller alors ?».
Puis, une ambulance automatique s’est rendue sur place. Les premiers tests aérobies n’ayant pas montré de signes viraux, l’homme a été acheminé, avec la protection minimale requise, vers un service sécurisé où il a subi une série de tests rapides qui ont confirmé qu’il n’était porteur d’aucune maladie virale. Le protocole a ensuite été strictement respecté, je m’en suis assuré.
- Décrivez-nous le protocole en question s’il vous plaît et veuillez éviter de couvrir le micro de vos doigts.
- Certainement ! Comme vous le savez, depuis 2020, une vaste campagne de tests ADN a été menée pour inciter les gens à connaître leur profil pathogène. En effet, de plus en plus d’individus se livraient à des analyses génétiques sur leurs origines et cette campagne s’est appuyée sur les données déjà récoltées. Ces tests ont été rendus obligatoires en 2030.
- Nous savons tous comment ces tests fonctionnent mais veuillez les expliquer pour le procès-verbal.
- Et bien en très résumé, l'exome comprend toutes les parties codant les protéines (exons) des quelque 23 000 gènes du génome humain. Bien que l'exome ne représente qu'environ 1 à 2 % de l'ensemble du génome, environ 89 % de toutes les mutations pathogènes connues sont identifiées comme étant situées dans les exons.
Le séquençage de l'ensemble de l'exome permet l'analyse simultanée d'un très grand nombre de gènes dans n'importe quelle combinaison. Il augmente considérablement les chances de trouver la cause génétique de phénotypes complexes en moins de temps que les tests génétiques de petits sous-ensembles de gènes et donc d’identifier les faiblesses structurelles d’un sujet et ainsi de prévenir les pathologies, voire mieux les guérir.
- Et ainsi qu’en était-il de cet homme ?
- Et bien lorsqu’il est arrivé, il n’avait aucun papier sur lui et n’était pas muni d’une puce. Nous avons donc rapidement fait un prélèvement de salive pour retrouver son génome dans la base de données GAFIS, mais il était inconnu.
- Comment l’avez-vous pris en charge dès lors ?
- Nous avons pu obtenir son nom et cela nous a confirmé qu’il n’était couvert par aucune assurance. La procédure ne prévoit pas que nous puissions entreprendre quoi que ce soit, en l’absence d’assurance, afin de pas surcharger le patient avec de coûts qu’il ne peut pas payer.
- Pourquoi cet homme n’était-il pas assuré alors ?
- D’après la discussion que j’ai pu avoir avec la Centrale des assurances de santé, M. Samson avait refusé de procéder aux tests requis et ne remplissait dès lors plus les critères d’affiliation. En effet, depuis que ces tests génomiques ont été rendus obligatoires, les coûts de la santé ont drastiquement baissés, puisque pour être remboursés, nous devons non seulement connaître nos faiblesses, mais aussi adapter notre mode de vie de manière à ne pas se mettre en danger.
- Un médecin a-t-il quand même examiné ce patient ?
- C’était impossible ! Je vous en explique la raison : lorsqu’un patient nous est amené, nous commençons par quelques analyses et description des symptômes que nous entrons dans la base de données et celle-ci compare les résultats avec le test génomique de la personne pour déterminer à coup sûr le diagnostic. Cela nous évite de tâtonner et nous avons 100% de réussite depuis quelques années dans le cas de diagnostics non viraux.
Dans le cas de ce Samson, les analyses ne pouvaient être comparées et nous n’avons donc pas fait les analyses.
- Monsieur le directeur, je vous remercie pour vos explications. Vous avez en effet respecté parfaitement les procédures et nous devons arriver à la conclusion qu’il n’a pas respecté les règles et donc est en faute. Voyez-vous un inconvénient à annoncer son décès à sa veuve ? On vient de m’annoncer son arrivée.
- Pas le moins du monde, un décès comme celui-ci est particulièrement facile à expliquer.
- Je vous remercie. Bonne journée.
photo par Retha Ferguson
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