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They all fall down (version française) par Nigel Roth

Dernière mise à jour : 3 mars 2021


Si vous habitiez dans le joli village d'Eyam en Angleterre à la fin du 17ème siècle, vous vous seriez peut-être levé un beau matin, votre chemise de nuit caressée par une douce brise. Vous auriez peut-être senti un arôme des plus délicieux et vous auriez pourtant été bel et bien condamné.


Comme vous n’êtes probablement pas un professionnel de la santé, ou même l’un de ces paysans du sud aux pattes de lapin pourries suspendues à la ceinture, vous n’auriez pas nécessairement su que vos viscères étaient en train de pourrir en vous, et que c'était cela que vous sentiez ; contrairement à notre propre pandémie, où l’on pourrit de manière insouciante et inodore.


Ainsi, tout n’était pas rose dans ce jardin champêtre, et des rimes mortelles résonnaient dans la fraîcheur de la brise matinale.


Ring-a-ring-des roses

Une poche pleine de surprises

Un tissu, un tissu

Nous tombons tous.

Ce dernier épisode de la Grande Peste fut particulièrement sévère, et des centaines de milliers de victimes pourraient vous dire qu’elles ont souffert une mort longue et atroce en essayant de réciter la liste complète des maîtresses de Charles II dans une vaine tentative de tenir la faux à distance.


Alors qu’Old Rowley concluait une triple alliance avec les Suédois et les Hollandais, le village d'Eyam était en grande difficulté.


Et tout cela après qu'un marchand londonien eut envoyé à son ex-femme et à son nouvel amant un rouleau "surprise" de tissu, habité par une colonie de puces cockney affamées. Eyam avait rapidement succombé aux ravages de cette mortelle pandémie.


Les Eyamers avaient des douleurs abdominales lorsqu'ils se soulageaient sur leurs latrines de bois vermoulu, une diarrhée sévère lorsqu'ils mangeaient leur potage, des nausées et des vomissements en jouant à chat, une forte fièvre lorsqu'ils dansaient – sans compter l'épuisement consécutif à toute cette danse - et enfin un choc lorsqu'ils commençaient à saigner de façon incontrôlable par des orifices qui n'étaient pas des orifices auparavant. Puis, ils se sont gangrenés et sont devenus noirs de partout avant de tomber raides morts.


Ce n'était pas beau à voir, la peste.


Après la mort de quelque deux cents villageois, y compris - certains diront heureusement - celle des charognards qui rôdaient inévitablement aux alentours de lieux habités du 17ème siècle, les Eyamers, sous l’impulsion de leur chef, décidèrent de prendre les choses en main.


C'est ainsi que par un beau matin ensoleillé dans le Derbyshire, au chant du coq et alors que les oies gloussaient le lever du jour, les habitants posèrent des pierres de délimitation autour du village prêts à affronter tout ce que la peste avait à offrir aux bien-portants, aux malades et aux presque morts.


Les villageois se sont ainsi isolés dans un confinement très strict ; ils ont supprimé tout contact avec quiconque en dehors de leur cercle, et ont finalement fermé tous les lieux de rencontre, même ceux dont on disait qu'ils ne répandaient pas la peste. Comme les services de livraison de nourriture.


Des trous pour l'argent ont été creusés à intervalles réguliers dans la limite du village, ce qui permettait de laisser des pièces imprégnées de vinaigre pour s'approvisionner auprès des commerçants de passage et pour empêcher la propagation de la pandémie.


Mais, comme aujourd'hui, ce plan de quarantaine ne plut pas à tout le monde.


Tryphena Hatt (c’est un parfait nom du XVIIe siècle qui nous rendra service puisque son vrai nom a été perdu), par exemple, n'était pas une Eyamer heureuse.


Elle avait un petit creux et, après des mois d'isolement avec des parents taciturnes et peu loquaces, Tryphena s'est emparée de sa cape et s'est rendue à Tideswell, à environ huit kilomètres de là. Elle ne connaissait personne là-bas et espérait que personne ne la reconnaîtrait non plus, afin qu'elle puisse profiter de son escapade sans être dénoncée.


Elle alla d'abord vers Foolow, où elle mangea des baies et rencontra un moine, puis vers Wardlow où elle mangea un moine et rencontra des… Je plaisante ! Je n'ai aucune idée de la route qu'elle a prise ou de qui elle a rencontré, mais elle est arrivée à Tideswell à temps pour une pinte de bière de coq.


Une fois là-bas, elle s'est dirigée vers le marché, où elle espérait se fondre dans la masse et faire des affaires. Elle se glissa d'un étal à l'autre, manipulant des prunes, pressant des petits pains, doigtant des tartes, jusqu'à ce que, grâce au ciel, elle soit reconnue.


Et les Tideswelliens n'ont pas apprécié.


Ils lui ont jeté de la boue (qu'elle a essayé d'esquiver), de la nourriture (ce qui était bizarre, et elle l'a attrapée), et l'ont insultée en hurlant de manière très peu créative "la peste, la peste". Ils chassèrent Tryphena du village et la conduisirent dans des terres désertes d'un coin de campagne.

Les habitants, après cette mésaventure, sont tous restés chez eux, confiant leur sort à des prières à leur Dieu omniprésent et au Rescue Remedy des fleurs de Bach. Bien entendu, rien de tout cela n'a fonctionné, sauf peut-être les gouttes, qui leur a permis de tenir le coup sans être stressés dans leurs déplacements quotidiens.


Les puces profitaient aussi de leurs vacances et la mort continuait à sévir.


La nourriture était rare, la compagnie de semblables se raréfiait. Les jeux prirent fin, les équipes de quiz des pubs ont été démantelées. Les hommes étaient obligés de faire la lessive, de laver la vaisselle, de sortir les poubelles, de préparer la nourriture ; les femmes continuaient comme d'habitude, jusqu'à ce qu'elles tombent raides mortes.


Et puis, un soir, Eyam s'est assis devant une assiette de pudding à l'ambre gris et au pain, et a réalisé que tout le monde était là. Ce qui signifiait qu'ils avaient vaincu la peste et l'avaient stoppée à Eyam.


Et dans le Derbyshire.


Et, bien qu'ils ne s'en soient pas rendu compte à l'époque, en Angleterre.


Les Eyamers sont lentement retournés à leur paisible vie, s'occupant de leurs jardins, pétrissant la pâte, mangeant leurs enfants. Et pendant ce temps, dans un petit coin de Higger Tor, une femme pleine de boue se rongeait les sangs et complotait.


Le sort de Tryphena est sans doute moins important pour nous que, disons, payer notre loyer sans perspective d’emploi, de subventions, ou d'un quelconque avenir sans un deuxième vaccin pour faire face aux nouvelles souches de ce perfide Covid. Mais il y aura beaucoup de Tryphena à traiter une fois que nous aurons maîtrisé cette pandémie.


Ce sont mes voisins, qui disent encore qu'un complot est en cours. Le facteur, qui m'a dit qu'il ne connaissait personne qui soit mort du Covid. Mes connaissances du monde entier, qui pensent que le nombre des décès est gonflé pour une raison inexplicable ; et mon ami qui croit que cela fait partie de l'inévitable marche du pouvoir des Illuminati, qui veulent nous piétiner et nous désespérer afin de ... eh bien, nous n'en sommes pas encore là, il est encore en train de mettre au point la théorie complète.


Les Tryphena ne s’en iront pas.


Ils nous hanteront pour le restant de nos jours. Nos enfants parleront d'eux, nos petits-enfants se moqueront d'eux. Et à un moment donné, une rime sera écrite et chantée à travers les terres, et vous atteindra au moment où vous vous réveillerez, dans votre maison fraîchement nettoyée, les purificateurs d'air électriques alimentés par le vent, et les films antibactériens de surface alimentés à l'énergie solaire.


Bring-a-bring-un-iPhone

Un texte plein de points positifs

Un inhalateur, un inhalateur

Ils tombent tous.



photo by Tatiana Twinslol

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