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Un Noël automatique par Robert Yessouroun

Dernière mise à jour : 19 déc. 2021




D’après une idée d’Alice, ma fille


En cette fin d’année, l’entreprise low cost Chrismasbot n’était pas à la fête. Son service après-vente saturait de réclamations, quand il ne croulait pas sous les retours de marchandises. Par chance, les chiffres d’affaires liés à la quantité d’achats excédaient les pertes dues à la piètre qualité des produits. Néanmoins, un sursaut s’imposait. Début décembre, deux catégories d’articles allaient révolutionner le marché : le sapin et la famille de Noël ! Comme la devise de Chrismasbot était « plus vite, c’est pas pire », la maison lança, sans trop attendre les fignolages, ses tout derniers modèles sortis des laboratoires. Mais ces automates dernier cri n’allaient-ils pas donner le coup de grâce à la fabrique ? Plusieurs responsables en dormaient mal la nuit.

Bon, il ne fallait pas dramatiser. SNO, le Sapin de Noël Otonome (petite coquille du concepteur) se vendait comme de petits pains, d’Oslo à Johannesburg. La majorité des commandes recevait une évaluation positive. Un authentique conifère de fête, que ce SNO !

Même succès pour les quatre droïdes costumés, le père et la mère Noël assistés de leurs neveux jumeaux, Ni et Na. Cet assortiment livrait cadeaux et jouets la veille du 25. En attendant ce grand soir, les exemplaires de ce quatuor accueillaient les visiteurs dans les musées, les spectateurs dans les théâtres et cinémas, servaient dans les cafés, bars et restaurants, assuraient la promotion dans les grandes surfaces ou jouaient le rôle de steward et d’hôtesse à bord des avions, des bateaux et des trains internationaux.

Forcément, le rodage de ces spécimens fraîchement sortis d’usine risquait de surprendre. Et les premières défaillances de jeunesse ne tardèrent pas à gagner les oreilles des dirigeants de Chrismasbot. Par exemple, à plusieurs reprises, dans le salon du destinataire, les pièces détachées de SNO ne s’étaient pas assemblées automatiquement, comme elles l’auraient dû. Parfois aussi, l’arbre de la Natalité s’édifiait en plus d’une heure, pour finir par crever le plafond. On rapporte que dans quelques cas, boules, bougies, guirlandes, anges en massepain s’étaient brusquement déployés dans un chaos inextricable. Pire, il survint hélas un couac majeur. L’incident fit le buzz. Écoutez plutôt…

À Zermatt, dans le chalet des Imboden, l’arbre de Noël artificiel à peine monté, complet, perçut par ses capteurs un mouvement dans la salle de séjour. Aussitôt, son étoile faîtière fit rayonner un faisceau laser afin de localiser puis d’identifier les membres de sa nouvelle famille.

Mathias Imboden était un jeune et solide ado bien barbu. Durant ses vacances d’hiver, il aidait son père à la Boutique du chocolat, Banhofstrasse. Ce matin-là, vers 10h15, il s’était réveillé en retard, d’où une avalanche d’appels paternels sur son portable. Sa mère, qui lui avait préparé le p’tit déj, venait d’ouvrir l’Office du tourisme. Sa sœur avait découché, comme d’hab.