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Une journée de la femme, et alors ? par Sylvaine Perret-Gentil




Nous pouvons nous vanter d’avoir inventé la machine à vapeur, l’ampoule électrique, la radio, la photographie, l’avion, la climatisation, la carte à puce, l’imagerie par résonance magnétique, le téléphone cellulaire et l’intelligence artificielle. Nous pouvons nous glorifier d’avoir exploré le fond des océans en sous-marin, mis un pied sur la Lune en fusée, envoyé des satellites autour de la Terre et découvert la planète Mars en rover insight. Cependant l’humanité n’a jamais été aussi auréolée que lorsqu’elle a fait des inventions et des révolutions pour elle-même, pour le propre salut des membres de son espèce, individuellement et collectivement.

Notre vie sur Terre a connu des paliers de développement, des sauts quantiques, comme celui de l’enfance à l’adolescence, avec la maîtrise du feu, l’invention de la roue, puis de la charrue, celle de l’écriture, puis de l’imprimerie, celle de la pasteurisation ou encore la découverte de la pénicilline, mais ce n’est pas tout. L’humanité a su ouvrir son esprit et s’élever dans ses prises de conscience et ses luttes. Elle a choisi de combattre l’arbitraire. Elle a voulu définir et défendre ses libertés. Ce fut le cas, par exemple, avec l’Habeas Corpus Act de 1679 en Grande-Bretagne, un pilier des libertés publiques qui donna à chacun le droit de ne pas être arrêté et détenu sans en connaître le motif, ni condamné sans le jugement de ses pairs. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en France en fit évidemment partie : « Tous les hommes naissent libres et égaux ». Elle marqua la fin des privilèges et des droits seigneuriaux. Les droits naturels et imprescriptibles furent codifiés pour la première fois. Ce fut aussi le cas de l’abolition de l’esclavage dans la Constitution américaine le 1er janvier 1808, après que de nombreux états de l’Union avaient déjà renoncé à la traite des noirs depuis 1777, puis de la fin à la ségrégation raciale aux États-Unis au milieu des années 1960 et du régime de l’apartheid en Afrique du Sud en 1994.

Il y a un progrès, essentiel pourtant, que l’humanité, toutes régions du monde confondues, n’a pas encore fondamentalement accompli pour elle-même, c’est celui de la considération portée au sexe féminin, tant par les hommes que par les femmes qui n’ont pas appris à en être fières. Il ne s’agit pas ici de discuter de la place que les femmes n’occupent pas encore socialement et professionnellement, ni d’égalité salariale, ni des violences dont elles sont victimes. Il s’agit du jugement porté sur leur sexe, en tant qu’organe d’abord et, plus généralement, sur leur qualité de membres féminines de l’espèce humaine. Il s’agit de se placer en amont de ces thématiques, car c’est bien de l’absence de considération pour le sexe féminin qu’ont découlé, naturellement, toutes les autres injustices faites aux femmes.

Dans un monde où les hommes ont tendance à ne valoriser que ce qu’ils voient de leurs propres yeux, le sexe non visible de la femme resta longtemps méconnu. De surcroît, la femme étant « indisposée » chaque mois, il fut déprécié. L’homme ayant aussi un fâcheux penchant pour la comparaison, la dépréciation du sexe de la femme s’étendit à tout son être. La femme ne fut, en effet, généralement perçue que par une différence en négatif. Elle fut définie par ce qu’elle n’avait pas. C’était un homme auquel il manquait « quelque chose ». Elle était « incomplète » face à l’homme qui était « équipé ». Même la capacité des femmes de mettre les enfants au monde n’a pas eu d’effet compensateur du « manque » initial ! Au fil du temps, le sexe faible a signifié la femme faible, faible d’humeur, faible de volonté et faible de caractère, avec l’aide « éclairée » des hommes d’églises, des philosophes, des médecins et des juristes. La faiblesse affirmée a permis que le sexe féminin fût, surtout, contrôlé voire asservi. Bien sûr, il a aussi été rêvé voire fantasmé, convoité voire craint, mais jamais il n’a été considéré, tout simplement reconnu comme le complément naturel de celui de l’homme, tous deux créant l’unité.