Une mort ignoble par Nigel Roth
Dernière mise à jour : 2 mars 2021

Nous sommes en 1567.
Hans Staininger refusait alors de porter le cache-nez censé le protéger de la peste qui sévissait à Contantinople, à plusieurs milliers de kilomètres de l'endroit où il s’asseyait en Bavière.
Il agissait alors avec la même détermination que ces millions de citoyens américains qui prétendent vivre libres ET mourir en ne se couvrant pas le visage. Pourtant, Staininger avait une merveilleuse excuse : une barbe d'un mètre et demi de long.
Celle-ci était en effet luxuriante et si fournie qu'un jour il se prit les pieds dedans et se brisa le cou, mettant fin à la possibilité de transmettre le titre de Herr Hair à son hoir.
Mourir du Covid-19 à cause d’une interprétation dévoyée de la notion de liberté est une façon terriblement crétine de quitter ce monde, et les descendants de ces défunts qui n’aiment pas porter un masque voudront peut-être passer sous silence - ou enjoliver - la raison de ces décès, et raconter d’une manière moins absurde et plus classique la mort de leur parent.
Et ce ne serait pas la première fois, à en juger par les morts maladroites que je vais vous raconter.
Il y a Edmund Ironside, roi d'Angleterre en 1016, qui a été assassiné effrontément par en dessous, alors qu'il était assis sur les toilettes ; ou encore, le dernier calife de Bagdad, Al-Musta-sim, frappé à mort emballé dans un splendide tapis avant d’être reposé, de guingois dans la pile.
D'autres sont morts plus heureux, mais pas moins bizarrement. Prenez George Plantagenet, qui en 1478 s'est noyé dans un tonneau du meilleur madère ou Pietro Aretino, qui un siècle plus tard, est mort de rire après s'être fait raconter une blague merveilleusement obscène, que nous n'entendrons malheureusement jamais.